Les Compagnies de Travailleurs Etrangers, créées sous la IIIème République, ont existé jusqu'à leur transformation en Groupements de Travailleurs Etrangers par le Gouvernement de Vichy. De nombreuses compagnies avaient toutefois été dispersées dans la débâcle de mai-juin 1940.
C'est la loi du 27 septembre 1940 relative aux étrangers en surnombre dans l'économie nationale qui transforme les CTE en Groupements de Travailleurs Etrangers. Cette loi oblige tout étranger masculin de 18 à 45 ans sur le sol français à être enrôlé dans un groupement d'étrangers.
La pratique de l'internement administratif était courante sous la IIIème République depuis la déclaration de la guerre, essentiellement par crainte d'agissements de ressortissants allemands et de communistes.
Sous le régime de Vichy, une dimension raciale s'ajoute à celles en vigueur: il s'agit alors d'exclure de la société les juifs et les opposants politiques. Les lois anti-juives sont votées, notamment la loi relative aux ressortissants étrangers de race juive du 4 octobre 1940 qui permet l'internement administratif des juifs étrangers présents sur le sol français.
Si les juifs étrangers sont les seuls concernés par cette mesure d'internement, le régime de Vichy s'efforce de retirer la nationalité française à de nombreux juifs. Ainsi la loi du 22 juillet 1940 autorisant la réexamination des naturalisation prononcées depuis 1927 a eu pour effet de retirer la nationalité française à plus de 15 000 personnes dont 6 000 juifs qui, devenant apatrides, sont internés. De même l'abolition le 7 octobre 1940 du décret Crémieux retire à 100 000 juifs d'Algérie la citoyenneté française.
Les camps d'internement français en 1939-1944 Etude philatélique et historique réalisée par Michel ANNET
Voici une liste de camps ayant fonctionné sous le régime de Vichy. Certains ont été mis en place sous la IIIème République, notamment les camps de réfugiés espagnols qui continuent à être internés.
Le Mémorial de la Shoah a également dressé une carte de lieux d'internement en France.
Camp | Description |
---|---|
Agde | Le camp d'Agde fut utilisé de fin 1940 à août 1943 comme centre de rassemblement des étrangers. Le régime y interne des juifs dont de nombreux seront déportés. |
Aincourt | Le Centre de Séjour Surveillé d’Aincourt est installé en octobre 1940 dans un bâtiment du sanatorium d’Aincourt alors désaffecté. Des détenus politiques (communistes) y sont internés jusqu’en mai 1942 avant d’être transférés vers d’autres camps. Il devient alors un camp pour femmes (juives, tziganes et résistantes) de mai au 15 septembre 1942, date à laquelle le camp est définitivement fermé. |
Albi : camp de la Viscose | Sous le régime de Vichy, le camp de la Viscose à Albi a été utilisé comme lieu d’internement de juillet 1940 à août 1941. Des G.T.E. lui sont rattachés. |
Argelès-sur-mer | Le régime de Vichy utilise les baraquements pour y interner des espagnols, des membres des brigades internationales, des juifs et des tziganes. Le camp ferme à la fin de 1941. |
Aspres-sur-Buech | Le camp d’Aspres-sur-Buech a été fermé en 1942. |
Beaune-la-Rolande | Prévu à l’origine pour être un camp de prisonniers de guerre, le camp de Beaune-la-Rolande (Loiret), constitué de baraquements entourés de barbelés, devient un camp d’internement en mai 1941 lorsque les Juifs étrangers arrêtés par la police française sur ordre des autorités allemandes lors de la rafle du billet vert (14 mai 1941) y sont transférés. Deux convois de déportation pour le camp d’Auschwitz (n°5 du 28 juin 1942 et n°15 du 5 août 1942) partent de Beaune-la-Rolande. Les autres internés sont transférés à Drancy d’où ils sont déportés. Le camp ferme en juillet 1943 et les derniers détenus sont envoyés à Drancy. |
Bourg-Lastic | Sous le régime de Vichy, le camp de Bourg-Lastic a été utilisé pour l'internement des juifs, ainsi que pour héberger des chantiers de jeunesse. |
Brens | En novembre 1940, des juifs sans ressource ayant fuit l’avancée allemande sont internés à Brens. Ils sont transférés aux camps de Noé et du Récébédou en mars 1941. Le 31 décembre 1941, le camp de Brens devient un camp d’internement pour femmes sous le dénomination de « camp de concentration de Brens ». Le 14 février 1942, 320 femmes (militantes politiques et syndicalistes, juives, espagnoles, détenues de droit commun) et 26 enfants y sont transférés depuis le camp de Rieucros-Mende. |
Carpiagne | A l'automne 1940, une centaine d'internés Russes, Hongrois et Bulgares arrivent du Vernet au camp militaire de Carpiagne et seront dirigés vers le camp des Milles. |
Caylus | |
Chibron (par Signes) | Le camp de Chibron a fonctionné de juin 1940 à février 1941. Il est installé sur le domaine militaire de Chibron, près de Signes dans le Var. Il accueille des réfugiés belges et des détenus de droit commun dans un premier temps mais devient centre de séjour surveillé pour internés politiques à partir de septembre 1940. Le camp est fermé en février 1941 et les internés sont transférés à Fort-Barraux (Isère) et à Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn). |
Choisel-Chateaubriand | |
Clairvaux : prison | |
Compiègne (Frontstalag 122) | |
Drancy | |
Fort-Barraux | |
Gurs | Sous le régime de Vichy les juifs étangers sont internés dès la mise en place des lois sur le statut des juifs d'octobre 1940. Ainsi le camp de Gurs comme de nombreux autres camps hérités de la IIIème République devient un rouage de la politique antisémite de Vichy. Nombres d'internés indésirables sous la IIIème République étaient d'ailleurs des juifs allemands. La loi sur la situation des étrangers en surnombre dans l'économie nationale du 27 septembre 1940 transforme les Compagnies de Travailleurs Etrangers (basés sur le volontariat) en Groupements de Travailleurs Etranger (au sein desquels l'incorporation est forcée). La 182ème CTE basée à Gurs devient ainsi le 182ème GTE. Arrive également à Gurs le 722ème GTE, probablement fin 1940. A fin 1940, le camp de Gurs est quasiment exclusivement peuplé de juifs et d'internés politiques, les Espagnols ayant preque tous été transférés vers d'autres camps, notamment vers le camps de Rivesaltes. A partir d'août 1942, le régime de Vichy livre au régime nazi des milliers de juifs détenus en zone sud en vue de leur déportation en Allemagne. 3 900 juifs interné à Gurs seront ainsi envoyés au camp de Drancy en zone nord puis de la vers les camps de concentration et d'extermination. Le 1er novembre 1943 le camp est dissout mais il reste toutefois quelques internés : des nomades, des femmes. Tous les juifs ont été déportés. Les derniers internés sont libérés à la Libération de la région le 25 août 1944. |
La Guiche : sanatorium | |
Le Vernet | Sous le régime de Vichy, le camp du Vernet reste un camp répressif. En 1942, lors des grandes rafles antisémites, des juifs y sont internés avant d’être déportés. Les derniers internés présents au camp en juin 1944 sont déportés au camp de Dachau. |
Les Milles | Le camp des Milles a fonctionné sous le régime de Vichy. Il a été un des points de destination des internés évacués du Nord et de l'Est lors de l'offensive allemande et de la débacle de mai-juin 1940. |
Limoges | |
Loriol | Le camp de Loriol fonctionne à nouveau sous le régime de Vichy pour interner des indésirables étrangers du 25 août 1940 au 5 mars 1941. source : d'après Des Indésirables, réf. citée. |
Marseille : hôtels Bompard, Levant, Terminus | Les hôtels Bompard, du Levant et Terminus à Marseille sont réquisitionnés pour y interner des femmes et enfants juifs. Ces hôtels sont des annexes du camp des Milles. |
Nexon | |
Noe | réf. 1 De Vichy à la Quatrième République : le camp de Noé (1943-1945), Éric Malo, Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale Année 1992 Volume 104 Numéro 199 pp. 441-458. Le camp de Noe est, avec le camp de Recebedou, l'un des deux camps-hopitaux ouverts en février 1941 par le ministre de l'intérieur de Vichy Marcel Peyrouton et destinés à interner les ménages agés de plus de soixante ans et les infirmesréf. 1. Ils devaient recevoir les internés trop agés ou trop affaiblis pour supporter les conditions sanitaires déplorables des immenses camps de la zone sud comme le camp de Gurs. |
Paris : caserne des Tourelles | |
Paris : prison du Cherche-Midi | |
Pithiviers | Le camp de Pithiviers, ouvert initialement comme camp de prisonniers de guerre, devient en mai 1941 un camp d’internement pour les Juifs arrêtés lors de rafles organisées par les autorités de Vichy, notamment la rafle du billet vert du 14 mai 1941 et la rafle du vel d’hiv des 16 et 17 juillet 1942. C’est un camp de la zone occupée co-administré par la préfecture du Loiret et les autorités allemandes. Six convois transportant 6 079 Juifs partirent de Pithiviers à destination d’Auschwitz les 25 juin, 17 juillet, 31 juillet, 3 août, 7 août et 21 septembre 1942. En septembre 1942 le camp a été évacué pour devenir un camp d’internés politiques jusqu’à la Libération en août 1944. |
Poitiers | |
Recebedou à Portet-sur-Garonne | Le camp de Recebedou est, avec le camp de Noe, l'un des deux camps-hôpitaux ouverts en février 1941 par le ministre de l'intérieur de Vichy Marcel Peyrouton et destinés à interner les ménages agés de plus de soixante ans et les infirmes. Le camp a une capacité de 1 400 places. Les conditions d'internement se dégradent rapidement en raison du manque d'équipement et de médicaments. 314 personnes décèdent au cours de leur internement au camp du Recebedou. Des juifs internés sont livrés aux autorités nazies et déportées via Nancy. Le camp est fermé en septembre 1942. |
Rieucros-Mende | Sous de le régime de Vichy, le camp de Rieucros-Mende est un lieu d’internement pour femme jusqu’au transfert des internées au camp de Brens le 13 février 1942. |
Rivesaltes : camp Joffre | |
Saint-Martin-de-Ré : citadelle | Centre de Travailleurs Surveillés de Saint-Martin-en-Ré sur l’île de Ré |
Saint-Paul d'Eyjeaux | Le camp de Saint-Paul d’Eyjaux a été créé le 30 octobre 1940 afin dy recevoir des internés politiques, essentiellement communistes. Le camp a fonctionné jusqu’à la Libération en août 1944. |
Saint-Sulpice-la-Pointe | |
Septfonds : camp de Judes | Le régime de Vichy recrée un camp pour étrangers le 2 janvier 1941. Le 302e GTE, composé uniquement de juifs (groupement dit palestinien y est assigné. Le camp pour étrangers est désaffecté du 28 mai 1941 à août 1942. Le 302e GTE est alors affecté à la caserne Guibert à Montauban. Les juifs raflés et le 302e GTE sont de nouveau internés à Sepfonds à partir d'août 1942. Les juifs sont peu à peu livrés aux Allemands et déportés. La plupart ne reviendra pas des camps de la mort. |
Sisteron | |
Vals-les-Bains | L’établissement d’internement administratif de Vals-les-Bains, installé dans le Grand Hôtel des Bains de cette ville thermale en janvier 1941, était un lieu d’internement pour personnalités politiques de la IIIème République tenus pour responsables de la défaite de 1940. Le 30 avril 1941 les deux derniers internés, Paul Reynaud et Georges Mandel, sont transférés en résidence surveillée à la villa La Chataigneraie également à Vals-les-Bains. |
Voves | Le centre de séjour surveillé de Voves en Eure-et-Loire était un camp pour détenus politiques ouvert le 5 janvier 1942. Il a fonctionné jusqu’au 9 mai 1944. |
Les mouvements de prisonniers d'un camp à l'autre étaient fréquents.
Le Service Social des Etrangers est officiellement créé par une circulaire interministérielle du 4 juillet 1941. Il complète le dispositif des GTE en créant et gérant de nombreux lieux d'internement pour d'une part les familles de travailleurs incorporés aux GTE, et d'autre parts les hommes dispensés d'incorporation car agés ou malades.
Lieu | Dates de fonctionnement | Population | Commentaire, documents et liens |
Centre n°12 bis de La Meyze (Haute-Vienne) | 18 septembre 1942 - fin 1948 |
||
Centre n°14 bis de Sereilhac (Haute-Vienne) | 18 novembre 1942 - 14 janvier 1947 |
||
Centre n°16 bis de Beaulieu-sur-Dordogne (Corrèze) | 12 janvier 1943 - 1945 |
||
Asile départemental de Rabès (Corrèze) annexe du Centre n°16 bis |
12 janvier 1943 - 1945 |
Assistance et secours auprès des étrangers Le Service Social d'Aide aux Émigrants (SSAE) 1920-1945, Thèse de doctorat en Histoire de Lucienne Chibrac, 2004
La déportation des politiques (résistants, opposants) et des juifs est mise en place sous l'impulsion des nazis qui s'appuient sur la collaboration active des autorités françaises.
Le décret allemand Nacht und Nebel (Nuit et Brouillard) du 7 décembre 1941 instaure la déportation des opposants et ennemis du Reich vers les camps nazis.
Par ailleurs les persécutions contre les juifs se multiplient depuis l'arrivée au pouvoir des nazis et s'intensifient particulièrement en 1941 (exécutions des juifs par les Einsatzgruppen lors de l'attaque de l'U.R.S.S. par l'Allemagne, multiplication des rafles), la conférence de Wannsee du 20 janvier 1942 réunissant des hauts fonctionnaires nazis entérine les modalités de mise en place de la solution finale voulue par Hitler, c'est à dire l'extermination sytématique des juifs à l'échelle européenne. La solution finale se traduit par la mise en place des convois de déportation constitués de juifs internés.
Les exigences allemandes, relayées par le général SS Carl Oberg en charge du territoire français depuis le 1er juin 1942, deviennent de plus en plus pressantes tandis que la volonté de collaboration française est elle de plus en plus zélée. Les internés juifs de la zone sud sont acheminés vers les camps de transit de Pithivier (Loiret) et de Beaune-la-Rolande (Loiret) puis vers les camps de Compiègne-Royallieu (Oise) et Drancy (Seine) d'où partent les convois vers les camps de concentration et d'extermination allemands.
Les détenus politiques sont eux acheminés vers le camp de Compiègne-Royallieu d'où partent également les convois vers les camps allemands.
Lettre envoyée le 7 avril 1943 par un interné du camp de Pithiviers. L’expéditeur a utilisé un formulaire pré-imprimé du camp. Cachet de censure de la surété nationale en charge de la surveillance.
Carte adressée le 3 juin 1943 à un interné à l’infirmerie III du camp de Drancy. Cachet de contrôle du camp, la censure étant effectuée par la préfecture de police.
Carte postale envoyée de Paris le 5 janvier 1945 à destination de Haïfa (Palestine) évoquant les rafles et déportations dont ont été victimes les juifs. Le texte mentionne notamment la rafle du Vel’ d’Hiv’ (16 juillet 1942) et le camp de transit de Drancy en région parisienne où étaient parqués les juifs avant leur déportation.