Le courrier des marins français échangé avec les USA

Le tarif préférentiel avion à 6 c pour les militaires américains

Dès l'entrée en guerre des USA (décembre 1941), les militaires américains bénéficient de la franchise postale ainsi que d'un tarif préférentiel pour le courrier transporté par avion, quel que soit l'endroit d’où est posté le courrier.

Ce tarif préférentiel (concession rate) est de 6 cents par demi-once (soit 14 grammes) et il correspond alors au tarif d'une lettre civile transportée par avion à l'intérieur des États-Unis. L'intérêt pour les militaires est que ce tarif intérieur s'applique pour du courrier envoyé de bases à l'extérieur des USA. Ce tarif a été décrété le 13 décembre 1941 (en même temps que la franchise pour le courrier de surface des militaires) après l'entrée en guerre des USA suite à l'attaque de Pearl Harbor et est entré en vigueur le 25 décembre 1941. Il a perduré jusqu'au 31 octobre 1946.

Le séjour des marins français aux USA

Après le débarquement allié en Afrique du Nord (novembre 1942), les bâtiments se trouvant en Afrique (et donc ayant échappé au sabordage de la flotte française à Toulon) se retrouvent de fait côté alliés. Ils sont alors envoyés aux USA, aux chantiers maritimes de New-York, de Boston et Philadelphie, pour y être remis en état et modernisés.

Quelques exemples de navires français rénovés aux USA:
  • le bâtiment de ligne Richelieu (février - octobre 1943)
  • le croiseur Montcalm (janvier -août 1943)
  • le croiseur Georges-Leygues (février - octobre 1943)
  • le croiseur Gloire
  • le contre-torpilleur Le Terrible
  • le croiseur Le Fantasque
  • Un exemplaire du Courrier de l'Air des FAFL évoquant l'arrivée du Richelieu à New-York:

    Durant les longs mois de réparation, l'équipage des navires découvre les USA, fait connaissance avec des familles américaines et fait la fête avec de charmantes jeunes femmes!... Des liens se tissent naturellement entres les marins français et les Américain(e)s.

         
     
    Lettre d'un marin du bâtiment de ligne Richelieu envoyée le 3 mars 1943 alors que le Richelieu se trouvait à New-York, à destination de New-York. La lettre a été remise à l'agence postale du Richelieu qui a apposé son cachet sans oblitérer le timbre américain. Elle est affranchie à 3 cents, tarif de la lettre locale (pas de franchise). C'est l'US Navy qui a oblitéré le timbre le 5 mars 1943. La lettre à été ouverte par la censure civile américaine 5931 de New-York.

    Une fois le travail de réparation et de rénovation achevé, navires et équipages reprennent la direction de la Méditerranée et de l'Afrique française pour reprendre le combat.

    Les premiers courriers entre les marins français et les USA

    Les marins ayant tissé des liens avec des Américains leur envoient, une fois revenus en Afrique, du courrier qui ne bénéficie ni de la franchise postale ni d'aucun tarif avion préférentiel

     
     
         
     
    Lettre d'un marin basé en Afrique du Nord datée du 12 juin 1943 affranchie à 4 F (tarif de surface pour l'étranger) à destination de San Francisco (Californie, USA), oblitérée du cachet poste navale de Casablanca naval (comme indiqué par la griffe en bas) et contrôlée par la commission YA de Casablanca puis aux USA par la censure civile américaine 7349 de New-York.
     
     
         
     
    Lettre d'un marin du Terrible du 1er octobre 1943 affranchie à 4 F + 15 F de surtaxe aérienne à destination de New York City (USA), oblitérée du cachet poste navale de Casablanca naval (comme indiqué par la griffe en bas) et contrôlée par la commission YA de Casablanca.

    Franchise postale et tarif aérien préférentiel pour les marins français (14 novembre 1943 - mai 1944)

    C'est une circulaire du 14 novembre 1943, établie après accord avec la poste militaire US, qui accorde aux marins français (et uniquement aux marins) le bénéfice de la franchise postale et du tarif aérien préférentiel des militaires US de 6 c par demi-once, (soit transposé en unités française, 3fr par 14 gr) pour leur courrier à destination des USA.

    En pratique, le bureau de poste navale (ou quelque fois le bureau embarqué à bord des navires) vendait pour le courrier par avion un timbre (ou plusieurs en cas de port multiple) US à 6 c (le plus commun étant le 6 c rouge de la série transportation représentant un C-25 en vol, mais on trouve d'autres affranchissements) ou vendait un entier postal à 6 c.

    Les courriers étaient contrôlés par la censure. Un retard systématique était appliqué.

    Les courriers sont alors centralisés au bureau de la poste navale de Casablanca qui oblitérait (on trouve toutefois des plis oblitérés d'agences navales embarquées à bord des navires) et transmettait au "fleet post office" de la marine US (qui parfois apposait également son oblitération).

    Les premiers courriers sont sans surcharge RF.

     
     
         
     
    Lettre par avion d'un marin du croiseur Georges-Leygues pour Baltimore (USA), affranchie au moyen d'un timbre à 6 c oblitéré d'un cachet de la poste navale du 27 décembre 1943 et contrôlée par la commission de Dakar. Le Georges-Leygues , après sa modernisation aux USA, était arrivé à Dakar le 3 décembre 1943.
     
     
     
     
         
     
    Entier postal à 6 cents envoyé par un marin du croiseur léger Le Fantasque pour Malden (USA), oblitéré d'un cachet de la poste navale du 28 décembre 1943 et contrôlée par la commission YA de Casablanca.
     
     

    Quelques lettres en provenance de navires stationnés en Afrique-Occidentale française ont été controlées au moyen d'un cachet circulaire du contrôle postal (commission A de Dakar) de l'AOF dont le mot occidentale a été masqué. Ces cachets sont appliqués en noir ou en rouge.

         
     
    Lettre par avion d'un marin du croiseur Montcalm pour Philadelphie (USA), affranchie au moyen d'un timbre à 6 c oblitéré d'un cachet de la poste navale du 13 janvier 1944. La lettre a été contrôlée par la commission A de Dakar qui a appliqué un cachet spécial rouge dont le mot occidentale a été masqué. La Montcalm était alors basé à Dakar d'où il effectuait des patrouilles en Atlantique. Arrivée à Philadelphie le 27 janvier 1944.
     
     
         
     
    Lettre par avion de la direction des chantiers navals (probablement à Casablanca) pour l'US Steel à New York City, affranchie au moyen d'un timbre à 6 c oblitéré d'un cachet de la poste navale du 22 janvier 1944 et contrôlée par la commssion YA de Casablanca.
     
     
         
     
    Lettre par avion d'un marin affecté à l'intendance maritime d'Oran affranchie au moyen d'un timbre à 6 cents, oblitérée le 28 avril 1944 par la poste navale française et transmise le même jour à l'US Navy. La lettre a été contrôle par la commission N°1 d'Alger et à l'arrivée aux USA à New-York.

    Les surcharges RF (8 mai 1944 - août 1945)

    Selon le catalogue Maury Ceres Dallay (Ed 2009 p. 1344-1345), au vu du volume de courrier en provenance de marins français à traiter, les Américains ont demandé l'apposition d'une marque RF distinctive afin de traiter en priorité le courrier des soldats US et d'orienter le courrier vers le contrôle postal français.

    Cette marque apparaît le 8 mai 1944 et devient obligatoire le 16 juin 1944. Cet excellent dossier Phil'Flash de Jean-François Brun (expert philatélique et membre de l'Académie de Philatélie) sur le sujet décrit la procédure appliquée et rappelle à juste titre que tout timbre neuf surchargé est douteux.

    Les marques de sept bureaux navals d'Afrique sont connues :

  • Alger (2 types de surcharges)
  • Oran
  • Bizerte (4 types)
  • Bône
  • Casablanca (3 types)
  • Cotonou (2 types)
  • Dakar (2 types)
  • En outre les marques de deux bureaux en France métropolitaine sont connues (après le débarquement de Provence) :

  • Toulon
  • Marseille
  •  
     
     
     
    Une utilisation de la surcharge de Casablanca assez précoce le 20 mai 1944 : lettre en provenance d'un marin du croiseur léger Le Malin modernisé à Boston en 1943, à destination de Concord, New Hampshire, USA.
     
     
         
     
    Lettre affranchie d'un timbre surchargé RF (surcharge de Casablanca) dont les cachets permettent de suivre le cheminement : elle est remise par un marin du croiseur Georges-Leygues à l'agence postale embarquée du navire le 10 octobre 1944 qui applique son cachet sans oblitérer le timbre américain. Le contrôle postal difficilement lisible est une marque de censure N°1 d'Algérie. Le timbre est oblitéré par un bureau de la poste navale le 20 octobre 1944 après application d'un retard systématique de deux semaines. La lettre est prise en charge par l'US Navy et transportée par avion jusqu'aux USA. Le cachet US Navy du 23 octobre 1944 a été apposé soit avant soit après la traversée de l'Atlantique.

    Les surcharges ont été utilisées jusqu'en août 1945.

    Le matériel produits aux USA pour les Forces Navales Françaises Libres

    La loi « Lend-lease » (« Prêt-Bail ») votée par le Congrès américain et signée le 11 mars 1941 permet aux Etats-Unis de fournir du matériel militaire à leurs alliés. Les F.N.F.L. ont ainsi pu être équipés de navires américains neufs dans ce cadre.



         
     

    Lettre envoyée le 27 avril 1944 par un marin du Torpilleur Hova à destination de sa marraine de guerre américaine à Short Hills (New-Jersey) avec marque «  censure » française mais contresigné par un censeur américain, oblitérée par l’US Navy. Le torpilleur Hova (Destroyer Escort 110) est un navire qui vient alors d’être construit aux USA et d’être rétrocédé aux Forces Françaises Navales Libres dans le cadre de la loi « lend lease ».